Procès de l’assassinat de Thomas Sankara : le juge exige la présence de Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando

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Le procès de l’assassinât de Thomas Sankara et 12 de ses compagnons s’est ouvert le lundi 11 octobre 2021 à Ouagadougou. Parmi les 14 accusés dans l’affaire assassinat Thomas Sankara deux manquent à l’appel : il s’agit de l’ex-président Blaise Compaoré et de Hyacinthe Kafando. Pour les deux absents, le parquet exige qu’ils se présentent devant le tribunal dans un délai de 10 jours (soit le 21 octobre).

Pour le cas spécifique de Blaise Compaoré, accusé principal dans cette affaire, ses avocats ont mentionné bien avant l’ouverture du procès que leur client ne va pas se présenter au tribunal.  » Le Président Blaise Compaoré ne se rendra pas – et nous non plus – au procès politique organisé à son encontre devant le Tribunal militaire de Ouagadougou, c’est-à-dire devant une juridiction d’exception». Hyacinthe Kafando, lui depuis 2015 a disparu des radars.

Pour cette première journée, le procès a été suspendu et renvoyé au lundi 25 octobre 2021 à la demande de la défense.

Image de l’extérieur de la salle d’audience

Les avocats ont demandé à ce qu’on renvoie le procès pour leurs permettre de travailler davantage sur les dossiers qui comptent en tout 20 000 pièces. Certains avocats ont affirmé avoir pris connaissance du dossier de leurs clients il y a à peine 10 jours. La partie civile quant à elle n’a pas trouvé d’inconvénients. Cependant, le ministère public, lui, a affirmé qu’aux regards des textes, un éventuel renvoi ne saurait excéder un délai de 21 jours.

Aucun enregistrement n’est possible

La partie civile a demandé au parquet d’enregistrer et/ou diffuser le procès au regard de son caractère historique. Pour elle, il n’est pas évident que les greffes arrivent à matérialiser tout ce qui sera dit au cours du procès. Alors, elle souhaiterait que les audiences soient gravées dans une mémoire vivante.

Le Procureur militaire dans ses réquisitions a mentionné que l’enregistrement des procès est interdit sauf autorisation expresse du président de la chambre qui doit justifier les raisons fondées de son choix.

Trouvant fondée la demande de la partie civile, le ministère public a par ailleurs demandé que le procès soit enregistré par le service de communication de l’armée avec une précision de délai d’usage de ces enregistrements.

Pour la défense, il n’est pas question que ce procès soit enregistré. La défense évoque un manque de confiance.  » On a vu des extraits de témoignages des témoins dans des journaux » a déclaré l’un des avocats de la défense brandissant un journal de la place. Et à son confrère Me Moumini Kopio de renchérir  » vraiment, je n’aimerais pas entendre ma voix dans une radio ». Du reste dit-il, ce qui devrait rester secret se retrouve dans les journaux.

Sur l’argument historique qu’évoque la partie civile et le ministère public, la défense dit ne rien voir d’extraordinaire. D’ailleurs,  » nous ne voulons pas de procès extraordinaire bien que le contexte soit historique » a répliqué la défense.

En plus, la défense a relevé que le greffe n’a pas manifesté le besoin d’avoir d’autres outils de travail.
Après une suspension, la chambre de première instance du tribunal militaire tranche sur l’épineuse question : il n’y aura pas d’enregistrement sur quelques formes que ce soit. Comme justificatif, le président de la chambre cite l’article 43 du code du tribunal militaire qui interdit l’enregistrement des procès.

Satisfaction pour les avocats de la défense et déception pour la partie civile

Au sortir de l’audience, Me Proper Farama, avocat de la partie civile, lui n’est pas passé du dos de la cuillère pour exprimer son mécontentement.  » Nous sommes déçus parce que nous avons pensé que ce procès aurait dû être enregistré parce que nous estimons que c’est un pan important de l’histoire du Burkina qui s’écrit. Et pour la génération future, il est bon que nous ayons des archives fiables à la communauté mémoriale de ce pays, de se souvenir de ce qui s’est passé en 87 et d’en tirer les leçons. Malheureusement, le tribunal en a décidé autrement. Nous prenons acte parce que nous devons le respecter » a marmonné Me Prosper Farama.

Me Proper Farama, avocat de la partie civile

Même coup de cloche pour Luc Damiba secrétaire général du comité Mémorial Thomas Sankara qui regrette la décision du parquet qui a refusé l’enregistrement du procès. Pour lui un enregistrement aurait bénéficié aux chercheurs, aux historiens, à la génération future,  » mais hélas » lâche -t-il.

Tout compte fait, le SG du mémorial Thomas Sankara garde espoir que la justice ira jusqu’au bout et la vérité sera connue sur cette affaire d’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons.

Du côté de la défense, il n’est pas question qu’un quelconque enregistrement soit autorisé au regard de l’article 43 au regard du code de la justice militaire. Me Mathieu Somé lui rajoute  » au delà de cela nous avons ajouté que le scellé de l’instruction est déjà dans les journaux ».

Pour ce premier jour, l’ambiance était plus ou moins relaxe entrecoupée de pause pour permettre à la chambre de délibérer sur des questions qui divisent les avocats.

Un démarrage difficile

Il faut également noter que cette journée a débuté difficilement avec le choix des assesseurs militaires. D’abord, deux généraux ont été présentés, le premier a demandé et obtenu une récusation pour des raisons de santé. Le second a demandé et obtenu une récusation pour des affinités avec la plupart des accusés.

Une situation qui a donné du fil à retordre à la chambre qui a parfois refusé la récusation de certaines personnes pour motifs non fondés. D’ailleurs, le tribunal était contraint passer outre les mesures afin de permettre à une personne de grades inférieurs de juger sa hiérarchie.

C’est ainsi que la chambre de première instance du tribunal militaire a afin été constituée. Composé de deux juges professionnels, de trois assesseurs militaires et de trois assesseurs militaires suppléants. Un exercice qui a valu plus de 2 heures d’horloge au parquet.

Le Général Gilbert Diendéré au procès

Boukary Kaboré dit le lion, un des compagnons de Thomas Sankara était également présent au procès. Mariam Sankara, l’épouse du défunt président, y était. Le Général Gilbert Diendéré, jugé coupable dans le dossier de l’insurrection populaire et qui purge déjà sa peine de 20 ans était dans le box des accusés pour répondre des faits qui lui sont reprochés.

Mohamed Nakanabo et Emmanuel GOUBA

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