Burkina : Hommages aux FDS : les médailles ne ressuscitent pas
Peut-être que ça ne regarde pas le civil que je suis, fut-il journaliste !
Mais comment rester muet face à cette pratique de la grande muette !
Difficile de ne pas ressentir de l’émotion en suivant l’inhumation du Maréchal des logis Mwinzié Pierre Damien KAMBOU, un gendarme membre de l’unité spéciale, blessé suite à un accrochage avec des groupes armés lors d’une opération de démantèlement de base terroriste dans la commune d’Arbinda (province du Soum, Région du Sahel) le 10 juin 2021, qui est finalement décédé suite à ses blessures ce mardi 15 juin 2021. Le regretté jeune soldat (il aurait soufflé sa 30e bougie le 28 juillet prochain) qui laisse derrière lui deux pupilles de la nation aura à n’en pas douter vécu utile pour sa patrie.
Personnellement j’aurais aimé faire la connaissance de ce héros de confrère gri (Gendarme reporter d’images) qui, selon le témoignage de son chef, était celui qui portait, volontairement, souvent la caméra « GoPro » utilisée pour éclairer la progression du groupe et filmer l’intervention afin de faciliter le débriefing de fin de mission. Tout comme un Journaliste reporter d’images (Jri). Le sort en a décidé autrement. Hélas.
Mais une chose me turlupine. C’est la décoration ce mercredi 16 juin 2021 à titre posthume de la médaille militaire du soldat Kambou.
Pourquoi seulement maintenant ? Ne puis-je m’empêcher de me demander. A quoi cela peut bien lui servir maintenant ? Lui, surnommé entre autres The Lion (le lion), qui a été d’opérations d’envergure de Aziz Istanbul à Kabonga en passant par Tasmakat, où le 10 Mars 2020 il était atteint par balle à l’épaule droite lors d’une opération qui a permis de neutraliser plus de 80 terroristes comme on a pu le savoir dans son oraison funèbre.
Il a donc fallu au « Lion » de mourir pour mériter une telle distinction ?
Avouons sans répondre à cette dernière interrogation qu’il y a matière à revoir.
Surtout que Kambou n’est en fait qu’un exemple parmi tant d’autres. La goutte de sang qui fait déborder mon encrier.
Sans être un petit copain des FDS, tout corps confondu, encore moins avoir brillamment réussi dans une école militaire, l’on peut se permettre de rappeler à qui de droit que les morts s’en foutent des médailles. Honorons-nous donc vivants ! On le voit dans le cas de la police, la médaille d’honneur est décernée annuellement à un certain nombre de membres du corps qui l’ont mérité soit par leur tenue exemplaire dans le cadre du service soit par un acte de bravoure. Une reconnaissance de la Nation que reçoit la majorité de leur vivant et ont le temps de partager ce bonheur avec leurs proches.
La médaille militaire en l’occurrence qui est donnée aux militaires pour la qualité de leur service et qui donne droit entre autres à des bonifications d’échelons ne peut revêtir tout son sens que si elle est accrochée à la poitrine d’un vivant. Elle brille alors d’honneur pour l’acte posé pour la mériter et de fierté pour la saine émulation qu’elle suscite au sein des troupes pour l’arborer. Sinon, entre nous, qui serait jaloux de la médaille d’un mort et voudrait l’avoir à son tour ?
Une copie à revoir nécessairement pour la hiérarchie des FDS surtout en cette période de lutte contre le terrorisme où les pertes en vie humaine sont plus importantes en leurs rangs. Autre correction à apporter celle de la prise en charge des veuves et orphelins dont certains doivent toujours attendre la publication d’enquêtes journalistiques sur leur détresse pour se voir considérer. Le cas des conjointes et conjoints non mariés légalement reste toujours non résolu.
Et pendant qu’on y est, quitte à honorer ceux et celles qui sont morts pour nous sauver la vie, rendons leur hommage véritablement. Même si pour des raisons culturo-traditionnelles, le transport et le tour d’honneur à Ouagadougou ont été abandonnés, ainsi que la couverture médiatique classique pour ne pas « démoraliser les troupes », il y a lieu de veiller à une bonne communication autour de cet hommage. Ces hommes et femmes morts pour la patrie méritent que la Nation assiste à leur ultime départ. Pour leur sacrifice. Pour leur famille. Pour l’exemple. C’est par ce compartiment que l’on doit commencer la « défense médiatique du territoire ».
Faut-il le leur rappeler ? La guerre contre le terrorisme n’est pas que militaire, elle est aussi et surtout psychologique.
Hyacinthe Sanou
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