Littérature : William De Badoua dévoile les coulisses de son premier roman »L’Éclat dans la nuit »
« L’Éclat dans la nuit », premier roman de l’auteur burkinabè William De Badoua. Dans une interview accordée à FILINFOS, l’auteur dévoile les coulisses de cette œuvre captivante qui transporte au cœur des plaines de Matumaini, où se déroule une lutte acharnée pour la liberté. A travers une galerie de personnages complexes et attachants, William De Badoua tisse une intrigue captivante qui explore des thèmes universels tels que la résistance, la quête d’un avenir meilleur et l’aspiration à une société plus juste.
Parlez-nous de votre parcours en tant qu’écrivain et journaliste. Qu’est-ce qui vous a amené à écrire « L’Éclat dans la nuit » ?
Mon parcours d’écrivain « amateur » je dirai, date depuis l’université. Mais je suis à ma première œuvre de fiction qui a été publiée. Avant cela, je suis aussi l’auteur et co-auteur d’autres livres de recherche et de formation. Pour le volet journalisme j’ai fait l’essentiel de mon parcours au Burkina Faso et en Afrique dans différents types de médias depuis plus d’une dizaine d’années.
Il faut dire que je suis de formation scientifique de base mais j’ai toujours été passionné par l’écriture. C’est dans ce sens que ma carrière a débuté (à Sidwaya et à L’Observateur Paalga) dans le journalisme, un métier que j’affectionne énormément, à travers lequel j’ai donc réellement appris à écrire, non seulement des articles mais aussi d’autres types de récits. Après plusieurs années d’exercice de terrain, depuis peu, je me suis orienté vers une carrière de consultant international sur les questions de gouvernance et de développement durable, le tout en rapport toujours avec les médias. C’est dans ce volet que je travaille actuellement comme expert pour diverses organisations internationales.
C’est donc mon vécu de terrain et les nouvelles expériences que je fusionne, notamment pendant mon temps libre, qui m’ont ramené dans l’écriture. Il s’agit pour moi, d’essayer de tisser des récits qui devraient inviter à la réflexion face à nos réalités sociopolitiques.
Le roman se déroule dans un pays fictif nommé Matumaini. Qu’est-ce qui vous a inspiré la création de ce pays et de son contexte socio-politique ?
Matumaini signifie « Espoir » en swahili. Un espoir que je souhaite partager pour l’ensemble des pays africains face aux nombreux défis du moment. Ce qui m’a inspiré à la création de ce pays fictif est l’expérience personnelle mais aussi la fantaisie d’une personne qui s’essaie à l’écriture. Le contexte socio-politique de Matumaini est tout simplement un mélange de plusieurs situations que font face différentes nations africaines. Il s’agit des enjeux et des luttes internes pour la gestion du pouvoir politique depuis des décennies qui sont encore d’actualité sous nos cieux. C’est une inspiration donc d’une certaine réalité des combats, parfois ourdis dans l’ombre par certains individus, loin des aspirations réelles des populations. Comme c’est le cas à Matumaini, où les habitants espèrent que le soleil se lèvera sur un beau nouveau jour.
Il y a, bien sûr, un petit ajout de fantaisie personnelle autour de tout cela mais en lisant l’œuvre vous verrez que le contexte de Matumaini peut aussi bien s’appliquer aux différents pays du Sahel actuellement, tout comme à d’autres nations d’Afrique de l’Est ou du Centre.
« L’Éclat dans la nuit » explore des thèmes universels tels que la résistance à l’oppression, la quête de justice et la recherche de la liberté. Quels sont les messages clés que vous souhaitez transmettre à travers ces thèmes ?
Je cherche simplement à apporter ma touche dans la réflexion, si possible contribuer à éveiller certaines consciences sur les enjeux cruciaux de notre temps. À travers ces thèmes j’explore les complexités de l’identité des hommes et du changement, en tentant de mettre en lumière les luttes et les espoirs qui façonnent nos vies dans un monde en constante évolution. Je souhaite donc à travers cette première œuvre interpeller sur la nécessité de lutter contre les démons intérieurs qui sont en chaque individu pour laisser place à l’illumination, surtout quand on est face à une situation de lutte pour un quelconque pouvoir. C’est aussi une œuvre qui se veut socialement engagée contre la violence, peu importe de qui ou d’où qu’elle vienne.
Votre roman met en scène une galerie de personnages complexes et attachants. Comment avez-vous développé ces personnages et quelles étaient vos intentions pour eux ?
En effet, le développement des personnages et leurs noms ont été pensés pour refléter à la fois leurs rôles et les valeurs qu’ils incarnent. Dans l’œuvre, j’ai utilisé plusieurs langues africaines, notamment le swahili, le haoussa, le mooré et le dioula, pour nommer les personnages, mais il y a aussi des appellations d’origines occidentales. Chaque nom porte une signification spécifique en lien avec le rôle que le personnage joue dans la communauté.
Par exemple, le personnage de Yirwa, qui signifie « Épanouissement » en dioula, est un capitaine de l’armée et le défunt mari de Rosalie. Son nom symbolise l’impact durable de ses idéaux et de son amour, qui continuent d’inspirer les résistants même après sa mort. En revanche, Ulafi, qui signifie « Gourmandise » en swahili, est un politicien impliqué dans des complots, représentant ainsi les complexités du pouvoir et les défis de la gouvernance.
Cette diversité linguistique vise à briser les frontières ethniques et culturelles, démontrant que l’appartenance à un groupe n’est pas une fin en soi pour déterminer le bon ou le mauvais rôle d’un personnage. En utilisant ces diverses langues africaines et en choisissant des noms porteurs de significations profondes, j’ai voulu illustrer que, dans une communauté ou un pays, les individus doivent être jugés non par leurs noms ou origines mais par leurs actions et leurs valeurs. Ce qui importe, ce sont les valeurs humaines et la probité, au-delà de toutes barrières raciales, ethniques ou linguistiques.
En tant qu’auteur burkinabè, quel rôle pensez-vous que la littérature peut jouer dans la promotion du changement social ?
Depuis des siècles, la littérature a été un pilier fondamental pour toutes les civilisations humaines, servant à la fois de miroir et de phare. Elle reflète les réalités sociales, culturelles et politiques tout en éclairant les chemins possibles vers un avenir meilleur.
Sur les aspects de la réflexion et de la prise de conscience, la littérature permet de prendre du recul et de réfléchir aux problèmes sociétaux. En lisant des œuvres littéraires, les lecteurs peuvent se voir et voir leur société sous un nouveau jour, ce qui peut susciter une prise de conscience collective. Par exemple, dans « L’Éclat dans la nuit », les personnages et les événements fictifs permettent d’explorer les dynamiques de pouvoir, les luttes pour la liberté et la justice, ainsi que les sacrifices nécessaires pour un changement véritable. Cela aide les lecteurs à reconnaître les injustices et à envisager des moyens d’y remédier.
Aussi, historiquement, la littérature a souvent servi de moyen de résistance contre l’oppression et l’injustice. Des auteurs tels que Aimé Césaire et Chinua Achebe ont utilisé leurs écrits pour critiquer le colonialisme et promouvoir la décolonisation de l’esprit africain. De même, la littérature contemporaine peut aider à contester les régimes autoritaires, dénoncer les ingérences étrangères, la corruption et plaider pour la liberté.
Outre cela, la littérature encourage l’imagination et la créativité, ouvrant la voie à de nouvelles idées et innovations sociales. En présentant des visions alternatives de la société, les auteurs peuvent inspirer des mouvements de réforme et des initiatives communautaires. Les œuvres littéraires favorisent également le dialogue entre différentes cultures et perspectives. Elles peuvent briser les stéréotypes et promouvoir l’inclusion et la diversité.
Enfin, la littérature contribue à la mémoire collective d’un peuple. Elle immortalise les luttes, les réussites et les échecs de la société, permettant aux générations futures d’apprendre et de s’inspirer du passé pour construire un avenir meilleur. Dans « L’Éclat dans la nuit », les histoires des personnages et les événements qu’ils traversent serviront de témoignages des défis et des aspirations de notre époque.
Donc, en tant qu’auteur burkinabè, je suis convaincu que la littérature est un vecteur essentiel de changement social surtout dans notre contexte actuel plein de défis pour notre pays. Elle peut donc aider à éclairer les injustices, éduquer les masses, inspirer l’action et célébrer la diversité humaine pour construire une société plus juste, équitable et harmonieuse, où les valeurs humaines et la probité primeront sur le reste.
Quelle a été la réception de « L’Éclat dans la nuit » auprès des lecteurs ?
Il faut dire que l’œuvre est récente et n’est disponible pour le moment qu’exclusivement sur commande en ligne car l’édition a été faite en Europe, mais j’ai reçu beaucoup d’encouragement et de félicitations. Bien sûr que j’ai reçu aussi des questionnements (rires) de certaines personnes qui n’ont pu lire que quelques extraits et le résumé mais… globalement pour un baptême de feu, je suis flatté et très remerciant pour le soutien.
Que pensez-vous de l’état actuel de la littérature burkinabè ? Quels sont les défis et les opportunités pour les auteurs burkinabè ?
Je pense que globalement, la littérature burkinabè se porte bien. Malgré une certaine perte de son lustre d’antan notamment avec tous les grands noms qui nous ont bercé. Toutefois, de nos jours, les auteurs burkinabè continuent de produire des œuvres riches et variées qui explorent des thèmes pertinents pour notre société.
Quant aux défis pour les auteurs, ils incluent l’accès limité aux ressources éditoriales, l’insuffisance de la visibilité sur la scène internationale et la faiblesse des infrastructures de distribution. Cependant, il existe des opportunités significatives grâce à l’essor des technologies numériques, qui peuvent permettre une diffusion plus large des œuvres et faciliter la création de communautés littéraires en ligne. En outre, les évènements littéraires nationaux et les initiatives de promotion de la lecture devront jouer davantage un rôle crucial dans le soutien et la valorisation de la littérature burkinabè.
Avez-vous des projets d’écriture futurs que vous aimeriez partager avec vos lecteurs ?
Oui, les projets d’écriture sont nombreux et certains sont même finalisés et n’attendent que l’occasion pour être publiés. Comme pour de nombreuses choses, le plus dur étant de mettre le pied à l’étrier. Avec ce premier pas, j’espère donc que je pourrai bénéficier de l’appui et des conseils des devanciers pour pouvoir concrétiser un grand nombre de ces projets bientôt.
Y a-t-il un message particulier que vous aimeriez que les lecteurs retiennent du roman ?
À l’endroit des lecteurs, je voudrais adresser mes remerciements mais surtout demander leur indulgence pour toute éventuelle imperfection pour ce nouveau bébé, qu’est « L’Éclat dans la nuit ».
Carine Pierrette Zongo
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