Procès Sankara : « J’ai été torturé jusqu’à ce que mon slip se déchire », Basile Guissou, témoin

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Ancien ministre de Thomas Sankara, le témoignage de Basile Guissou, professeur à la retraite était assez attendu pour le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons. Le mercredi 17 novembre, il est passé livrer sa version des faits à la barre.

Témoin au procès Sankara, Pr Basile Guissou successivement ministre des affaires étrangères et de la coopération, ministre de l’environnement, ministre de la culture et de l’information est à la barre pour relater sa version des faits sur les évènements du 15 octobre 87. Habillé dans sa tenue Faso dan Fani, le professeur retraité Basile Guissou écharpe au coup parle de son souvenir douloureux. Ce ne sera pas un témoignage sans frisson.

D’abord, Basile fait observé que le coup d’Etat du 15 octobre n’a jamais été une surprise pour lui. Selon lui, les divergences étaient très visibles entre les membres du Conseil national de la révolution. Il notifie qu’il y avait deux camps, notamment « celui d’en face et nous ». « Qui sont ceux d’en face » ? Réplique le président du tribunal. « Ce sont ceux qui voulaient vite manger, je veux dire ceux qui ont fait le coup d’Etat d’octobre 87 », répond-il. « Le coup d’Etat était prévisible seulement qu’on ne connaissait pas le jour ». Plus loin, le témoin informe que les tensions étaient tellement fortes qu’il a démissionné du gouvernement. « Je suis allé dire au président Sankara que je ne supportais pas cette tension et que je vais rendre ma démission. Il m’a dit : toi au moins tu peux démissionner », a-t- il indiqué.

« J’ai été torturé jusqu’à ce que mon slip se déchire »,

Basile Guissou parle sans gêne de ses jours infernales aux premières heures l’avènement du front populaire (ndlr : régime en place après le coup d’Etat de 87). « J’ai vécu clandestinement après la mort de Thomas Sankara à la trousse des gendarmes », a-t-il déclaré. Il a fini par dire au commandant de la gendarmerie de lui envoyer une convocation si toutefois, s’il le reproche quelque chose. « La fameuse convocation est fini par arriver et j’ai été incarcéré pendant 4 mois ». Pendant, ces 4 mois, il a affirmé avoir subi toute sorte de torture. « On a versé de l’eau froide sur moi, on m’a fait rouler sur du gravier, des bastonnades. On m’a même torturé un jour jusqu’à ce que mon slip s’est déchiré. Et il ajoute « chaque soir, le commandant de la gendarmerie Jean Pierre Palm à l’époque, venait superviser quand on nous torturait, avec sa cigarette de marque Goloisse au bec ». Et tout cela dit-il sans notifier la cause de ces arrestations et de ces tortures. Il conclue : « on m’a arrêté et torturé cadeau».

Or, l’accusé Jean Pierre Palm, alors commandant de la gendarmerie au moment des faits avait indiqué à la barre, n’avoir ni torturé, ni orchestrer de tortures contre qui que ce soit. Cette déclaration du témoin, ne pouvant pas passer inaperçu, Me Farama demande une confrontation avec l’accusé.

« Je n’ai jamais torturé, ni donné l’ordre de torturer quelqu’un, encore moins assister à une séance de torture. Quand on est de l’autre côté de la barre, on devient comme une poubelle sur laquelle on jette tout » répond l’accusé Jean Pierre Palm. Et d’ajouter, « j’ai arrêté des gens comme Arba Diallo et d’autres qui sont encore vivants, mais jamais quelqu’un ne s’est plein de tortures ».

Froidement, et « sans rancune », le témoin Basile Guissou rétorque : « je n’ai aucune animosité, envers Jean Pierre Palm. Je ne lui en veux pas. Je relate juste les faits ».

« Thomas Sankara a regardé froidement la mort », Basile Guissou

A la barre, continue de raconter son calvaire. « Le 15 octobre 1987, j’étais assis sur ma terrasse et j’ai entendu les coups de feux. Et comme tout Burkinabè, j’ai pris ma radio et j’entends tout propos sur la révolution… j’ai appris que le président est mort ». « Pour la dernière fois que j’ai eu des échanges avec Thomas Sankara, c’était le 8 octobre 1987», raconte Basile Guissou. « Ce-jour-là, dit-il j’ai demandé à Thomas Sankara pourquoi, il ne pouvait pas organiser des échanges sincères avec Blaise afin de trouver une solution à la crise ? « Il s’est levé pour partir, j’ai insisté, il m’a saisi ma main et déclaré : c’est trop tard ». Sur cette déclaration, le témoin marque une pause : « le président Sankara était vraiment un homme extraordinaire. Sankara m’a dit un jour qu’il empêche à des gens de manger et que ces personnes vont le tuer pour pouvoir manger» Toute chose qui amène Basile Guissou à déclarer : « le président Sankara a regardé froidement la mort et je pense que c’est ce qui l’a aussi rendu célèbre ».

Le procès se poursuit avec l’interrogatoire d’autres temoins.

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