Démolition d’une mosquée à Pazani : « Je ne fais qu’exécuter les décisions rendues par les juges », Me Victor Naby
La destruction d’une mosquée dans le quartier Pazani dans l’arrondissement n°9 de Ouagadougou a fait des gorges chaudes au sein de la communauté musulmane dudit quartier et d’ailleurs. Au lendemain de l’ultimatum d’un mois, lancé par la coordination des jeunes musulmans du Burkina pour « restaurer » l’infrastructure en son état initial, nos confrères de L’Observateur Paalga ont rencontré l’huissier de justice, Me Naby pour plus d’éclaircissements sur l’application de cette décision de justice…
Rencontré par nos confrères de L’Observateur Paalga pour mieux comprendre les tenants de la démolition de la mosquée de Panzani, Me Victor Naby est formel : « Je ne suis pas juge. Je ne fais qu’exécuter les décisions rendues par les juges ». Dans ses explications, l’auxiliaire de justice est droit dans ses bottes. Il soutient qu’il a agi suivant une décision judiciaire notamment l’ordonnance en date du 10 juin 2020. Toutefois, il assure avoir pourtant montré aux représentants de la communauté musulmane qui sont passés s’enquérir de l’affaire à son cabinet. Selon L’Observateur Paalga, dans ce document le verdict est le suivant :
«… Statuant en référé, par défaut à l’égard de GUIGMA Moussa, en matière civile et en premier ressort :
Vu les articles 464 du code de procédure civile et 555 du code civil
-Déclarons l’action de OUEDRAOGO Jacques recevable et bien fondée ; en conséquence, ordonnons la démolition aux frais de GUIMA Moussa de tous bâtiments construits par ses soins sur le terrain no00 du lot 27 de la section 10
46 sise à YAGMA/PAZANI au secteur 38 de l’arrondissement no09 de la ville de Ouagadougou ;
-Condamnons GUIGMA Moussa aux dépens…En conséquence, le Burkina Faso mande et ordonne à tous huissiers de Justice requis de mettre la présente décision à exécution ; Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs du Faso près les Cours et Tribunaux d’y tenir la main; A tous commandants et officiers de la force publique d’y prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis… ». La juge de référé dans ce document écrit que le terrain querellé «appartient sans conteste» à Jacques Ouédraogo. Ce dernier dispose pour justifier sa qualité d’un arrêté du ministère de l’économie et des finances en date du 10 septembre 2018 et d’une attestation d’acquisition de droits provisoires en date du 19 février 2020. Moussa Guigma, selon le magistrat, occupe, lui, le terrain «sans titre ni droit».
Selon le quotidien L’Observateur Paalga, c’est en début d’année 2019 lorsque Jacques Ouédraogo, constate que Moussa Guigma est en train d’ériger des bâtiments sur sa propriété. Au départ, il s’agissait de la construction de l’école franco-arabe, la mosquée n’était pas encore réalisée, selon l’huissier. Me Naby qui a été saisi par le requérant a dressé le 13 février 2019 une sommation à l’endroit de M. Guigma pour qu’il arrête les travaux.
Toujours selon l’Observateur Paalga, avant cette sommation d’huissier, la police municipale et les services techniques du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat ont effectué des sorties sur le site pour arrêter les travaux. Sur des photos certifiées datant de l’époque, on peut effectivement voir les murs barrés de la mention en rouge «Arrêt des travaux». Mais selon Me Naby, Moussa Guigma n’a jamais obtempéré à ces injonctions et aurait même « accéléré les travaux ». Ce qui a poussé Jacques Ouédraogo, qui a acquis le terrain pour y construire « un complexe scolaire », et non pas un lieu de culte comme le soutiennent certains, à ester en justice.
Dans ces colonnes L’Observateur Paalga précise que pour le camp de Jacques, Moussa Guigma voulait ériger la mosquée au plus vite pour pouvoir se servir du lieu de culte comme bouclier contre le marteau judiciaire qui menaçait. Dans une ordonnance de référé en date du 10 juin 2019, le juge enjoint à Moussa Guigma de « cesser immédiatement tous travaux de construction sur le terrain » et ce sous astreinte de 300 000 francs CFA par jour de retard. Pour sa défense, l’intéressé, selon le magistrat, «s’est contenté d’affirmer, sans en rapporter la preuve, qu’il a acquis le terrain querellé en versant au dossier un récépissé de dépôt au guichet unique du foncier de Ouagadougou et un bordereau qui ne constituent nullement des titres ou actes lui reconnaissant des droits sur la parcelle litigieuse». Cette décision ne sera pas non plus suivie d’effet, nous informe nos confrères. Le 18 septembre 2019, le juge statuera à nouveau, cette fois pour «ordonner l’expulsion de Moussa Guigma, tant de sa personne, de ses biens que de tous autres occupants de son chef de la parcelle». Une décision qui connaîtra le même sort que la précédente, indique le journal. C’est après toutes ces injonctions non suivies d’effet qu’a été prise l’ordonnance du 10 juin ordonnant la démolition des infrastructures; avec la polémique qu’on sait qui a glissé dangereusement tout de suite sur le terrain religieux alors que le différend est avant tout foncier. Moussa Guigma que nous avons contacté maintient n’avoir jamais été mis au courant de ces différentes décisions rendues sur l’affaire jusqu’au jour de la démolition du site. Et pour avoir exigé des gendarmes ce jour-là une ordonnance, il affirme avoir été violenté et menotté. Une version que réfute l’huissier pour qui c’est plutôt le maître coranique qui aurait tenté d’agresser les pandores et a été maîtrisé. Selon nos confrères, le fondateur de l’école franco-arabe ajoute que lorsqu’il a reçu la première convocation en justice, la mosquée était bel et bien construite. Les différents avis techniques favorables à l’appui, notamment celui établi en 2014 par la direction générale de l’urbanisme, il estime qu’il était légitime que le terrain lui soit attribué.
Pour le sieur Guigma, si Jacques Ouédraogo dispose aujourd’hui de documents en sa faveur, c’est parce qu’il a joué de son entregent au niveau de toute la chaîne de procédure. Mais l’huissier assure que son client a obtenu ses papiers de façon réglementaire. Toujours selon les sources de L’Observateur Paalga, Jacques Ouédraogo était attributaire d’un terrain depuis 2009. Ce site lui a été retiré par la délégation spéciale de l’arrondissement 9 qui voulait y construire un CSPS. Dans une lettre adressée au ministre de l’Economie et des Finances le 3 novembre 2015, la délégation spéciale, mise en place après l’insurrection populaire d’octobre 2014, a souhaité qu’un autre espace lui soit octroyé en compensation. Ce sera le fameux terrain no00 du lot 27 de la section 1046 sise à YAGMA/PAZANI objet de l’arrêté ministériel du 10 septembre 2018, indique nos confrères. Avant cette date, cette parcelle, aujourd’hui querellée, n’était pas encore attribuée. Parmi la dizaine de demandeurs, il y avait Moussa Guigma dont le dossier de demande n’a pas été fait en son propre nom mais au nom de sa femme. Etant «analphabète» et ayant fait la demande du terrain pour y construire une école, le maître coranique nous a expliqué avoir préféré mettre le nom de son épouse, laquelle est également la directrice de l’école. Maintenant que la lumière commence à se faire sur cette affaire, Jacques Ouédraogo pourrait-il effectivement entrer en possession de son terrain et le mettre en valeur ? Affaire à suivre…
Saint MICHEL
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