Cinéma/ Festival de Cannes : « L’Afrique doit être au premier plan comme les autres continents » (Hervé David Honla, journaliste culturel, critique d’art)

"Lors d’une conférence de presse, j’avais pris la parole pour poser une question. Quand je me suis présenté comme journaliste de « OXYGENE MAG » venant du Burkina Faso, tous les confrères et le présidium étaient étonnés de me voir ici. Plusieurs m’ont demandé si je venais directement du Burkina Faso ou si je vivais à Paris, et si je représentais une presse burkinabè en France. J’ai rigolé"
Présent à Cannes pour sa septième participation en tant qu’invité, Hervé David Honla, le journaliste culturel et critique d’art, appelle à une meilleure intégration, des échanges plus sincères, et surtout à une valorisation ambitieuse du potentiel cinématographique africain. Dans cette interview avec Filinfos, il souligne que l’Afrique doit être au premier plan de ce festival au même titre que les autres continents.
Filinfos (FI) : Vous êtes à votre 7e participation à Cannes en qualité d’invité. Qu’est-ce qui vous pousse à y revenir chaque année ?
Hervé David Honla (HDH) : C’est le comité d’organisation qui m’envoie chaque année une demande d’invitation. Car, après chaque édition, je dépose un bilan, et après consultation, la cellule presse estime qu’elle a été satisfaite de mon travail en qualité de journaliste à OXYGENE MAG. Elle décide alors de m’envoyer une demande l’année suivante.
FI : En tant que journaliste culturel impliqué dans le festival de Cannes, comment percevez-vous la présence ou la visibilité du cinéma africain durant cet événement ?
HDH : Au niveau du Marché International du Festival, il y a un département appelé PAVILLON AFRIQUE qui reçoit chaque année ; réalisateurs, producteurs, comédiens et de nombreux journalistes et cinéphiles africains. Des projections et masterclass se déroulent à chaque édition, et ce pavillon accueille beaucoup de monde. Parfois, en fonction des éditions, l’Afrique est représentée dans les différentes catégories officielles, notamment : la sélection officielle, Un Certain Regard, Court Métrage et la Cinef…
FI : Avez-vous constaté une évolution de la représentation du cinéma africain ou des acteurs africains au festival de Cannes au fil des années ?
HDH : La présence des Africains au festival de Cannes est assez communautaire. Les Africains se retrouvent régulièrement entre eux. Ils ne sont pas directement impliqués dans les activités du festival. On ne voit que les Africains quand il s’agit d’œuvres ou de sujets africains. On a l’impression qu’il y a le festival de Cannes d’une part, avec l’Europe, l’Asie, l’Amérique, et les Africains d’autre part. Qui en est responsable ? Je ne saurais répondre. Toujours est-il que le festival de Cannes doit davantage impliquer l’Afrique dans son programme, et vice versa. Le monde d’aujourd’hui a beaucoup intérêt à gagner en collaborant avec l’Afrique en matière de cinéma.
FI : Si oui, comment ? Selon vous, quelle est la place du cinéma africain sur la scène internationale, notamment lors de festivals comme Cannes ?
HDH : L’Afrique possède beaucoup d’histoires à raconter. La co-production « franche » Nord-Sud serait l’une des clés d’épanouissement de l’industrie cinématographique africaine. Les Américains, les Occidentaux et les Asiatiques ont misé sur la promotion de leurs valeurs dans leurs productions cinématographiques. L’Afrique peut suivre le même chemin en s’investissant sur le changement de mentalités, ce qui engendrera inéluctablement le développement du continent. Notre cinéma doit susciter le patriotisme et la bravoure de sortir le continent africain de la pauvreté et des histoires miséricordieuses. Le cinéma africain peut encore être sauvé, et le sera. J’en suis persuadé !
FI : Que pourrait faire le festival de Cannes pour mieux valoriser le cinéma africain et le mettre en avant auprès du public international ?
HDH : Créer de véritables cadres d’échanges entre le festival de Cannes et les professionnels du cinéma africains. Organiser des rencontres authentiques d’échange entre les professionnels du cinéma dans le monde et ceux de l’Afrique, d’autant plus que le cinéma africain s’est rajeuni. Il y a de plus en plus de jeunes producteurs, de jeunes réalisateurs et de jeunes techniciens avec de nouvelles idées. Instituer chaque année un stand exclusif FESPACO au sein du festival de Cannes, afin que l’Afrique et le monde puissent s’imprégner des réalités du cinéma africain, burkinabé, et de sa diaspora. Car le FESPACO est une référence non négociable du cinéma en Afrique.
FI : Quels sont, selon vous, les défis et les opportunités pour le cinéma africain dans le contexte de festivals internationaux comme Cannes ?
HDH : L’Afrique ne doit pas se sentir inférieure ou en marge de ce festival. C’est un festival mondial et le plus prestigieux au monde. L’Afrique doit être au premier plan, comme les autres continents. L’Afrique ne doit pas être un cas social, car elle a beaucoup à donner et à recevoir. C’est dommage qu’à chaque fois que j’arrive à Cannes, l’Afrique soit excentrée et que les principaux acteurs du cinéma africain soient moins mis en valeur que les autres.
FI : Pouvez-vous partager une anecdote ou un moment marquant vécu lors de vos précédentes participations à Cannes ?
HDH : Lors d’une conférence de presse, j’avais pris la parole pour poser une question. Quand je me suis présenté comme journaliste de « OXYGENE MAG » venant du Burkina Faso, tous les confrères et le présidium étaient étonnés de me voir ici. Plusieurs m’ont demandé si je venais directement du Burkina Faso ou si je vivais à Paris, et si je représentais une presse burkinabè en France. J’ai rigolé
Moussa SAREBA
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