Viol : « Il faut veiller à ce que la victime ne prenne pas de douche avant l’examen ano-génital » Dr Boureima Valian, médecin en spécialisation (Hématologie clinique et biologique)

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"Le médecin est chargé d'examiner la victime, de documenter les blessures et les preuves médicales, et de fournir un témoignage expert sur l'état de santé de la victime et les circonstances de l'agression. Tout ceci sera matérialisé dans son rapport médical", a indiqué Dr Boureima Valian médecin en spécialisation ( Hématologie clinique et biologique).

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Après une agression sexuelle, quelles sont les démarches médicales à suivre pour la victime ? Comment recueillir les preuves médicales nécessaires ? Comment la pénétration est-elle médicalement constatée ? Et combien de temps après l’agression le sperme peut-il être détecté ? Réponses avec Dr Boureima Valian, médecin en spécialisation (Hématologie clinique et biologique).

Filinfos (FI) : Quels examens médicaux sont systématiquement recommandés après une agression sexuelle ?

Dr Boureima Valian (BV) : Après une agression sexuelle, il est recommandé de passer certains examens de routine qui comprennent une évaluation clinique qui associe un examen général et un examen gynécologique, des prélèvements biologiques à but légal, à but médical préventif et thérapeutique, et enfin un examen psychologique visant à évaluer l’impact traumatique de l’agression et à identifier d’éventuels troubles psychiatriques.

(FI) : Comment détermine-t-on médicalement qu’il y a eu pénétration ?

(BV) : À travers l’examen génital qui recherche une défloration chez la femme vierge, qui est une rupture de la membrane hyménéale (l’hymen étant la membrane qui sépare la vulve du vagin). Chez la femme anciennement déflorée, c’est-à-dire non vierge, l’examen recherche la présence de sperme dans la région génitale et éventuellement l’existence de traces de violence.

(FI) : Quels sont les signes physiques recherchés ?

(BV) : L’examen somatique extra-génital recherche des traces de violences corporelles (contusion, abrasion, lacération, contention…) au niveau du cou, des seins, des fesses, de la face interne des cuisses, des poignets… et l’examen de la région ano-génitale recherche une ecchymose de la marge anale, parfois un relâchement du sphincter anal (sodomie), une vulvite traumatique avec érosion de la muqueuse, une déchirure de la membrane hyménéale lorsqu’il s’agit d’une femme vierge, tel que signalé plus haut.

(FI) : Dans quel délai peut-on encore observer la présence de liquide séminal (sperme) après un viol ?

(BV) : La détection des liquides biologiques, notamment le liquide séminal, dépend de plusieurs facteurs, dont le temps. Il est recommandé de prélever dans les 72 heures après le viol pour maximiser les chances de détection.

(FI) : Quelles techniques (frottis, lampes forensiques, tests ADN) sont utilisées pour identifier des traces biologiques ?

(BV) : Pour identifier les tests biologiques, les prélèvements sont effectués, notamment des frottis qui permettent de recueillir des échantillons cellulaires potentiellement présents suite à l’agression et qui pourront être analysés en laboratoire (frottis vaginal, vulvaire, prélèvement cutané…). L’utilisation des lampes forensiques permet de mieux observer les traces biologiques, des prélèvements génétiques utilisant la PCR (Polymerase Chain Reaction) pour des tests ADN à la recherche de l’agresseur.

(FI) : Y a-t-il des facteurs (douche, changement de vêtements, délai) qui réduisent les chances de retrouver des preuves ?

(BV) : Absolument, il y a des facteurs qui réduisent les chances de retrouver des preuves s’ils sont absents ou modifiés. Pour ce faire, il faut collecter les sous-vêtements et habits souillés qui contiennent des traces de l’agresseur, veiller à ce que la victime ne prenne pas de douche avant l’examen ano-génital. Le délai du prélèvement, tel que précédemment mentionné, a une grande influence sur la recherche de preuves.

(FI) : Quels sont les risques immédiats (IST, grossesse, traumatismes physiques) après un viol, et comment les prévenir ?

(BV) : Les risques immédiats peuvent être un choc traumatique lié à la violence physique, une grossesse, des maladies sexuellement transmissibles telles que le VIH, la syphilis, l’hépatite, le chlamydia, la gonococcie… des troubles psychologiques tels que la phobie, l’anorexie, la dépression, voire même le suicide.

Il faut proposer à la victime un traitement local des lésions et un traitement préventif des risques sus-cités, tels que la prise de la pilule du lendemain pour prévenir une grossesse, le traitement préventif des IST (antibiothérapie en prophylaxie des infections bactériennes, vaccin anti-VHB, prophylaxie ARV…) et une assistance psychologique immédiate.

(FI) : Quelle est l’importance d’un traitement prophylactique (VIH, hépatite B, autres IST) et dans quel délai doit-il être administré ?

(BV) : Le traitement prophylactique des IST permet de réduire les risques de contamination par les virus et autres agents infectieux qui peuvent être transmis sexuellement après l’exposition. Notons que ces infections sexuellement transmissibles pourraient avoir des répercussions sur la santé physique et mentale de la victime, aux conséquences immédiates et à distance. La prophylaxie doit être proposée avant les 72 heures.

(FI) : Quel accompagnement psychologique est proposé aux victimes, et à quel moment doit-il commencer ?

(BV) : Les victimes de violence sexuelle doivent être orientées vers un psychologue pour une prise en charge psychosociale qui devra débuter immédiatement.

(FI) : Comment un certificat médical est-il rédigé pour servir de preuve dans une enquête judiciaire ?

(BV) : Le certificat médical rédigé par le médecin dans le cadre d’une agression sexuelle doit comprendre des informations précises permettant d’établir des preuves pour l’enquête judiciaire. Il doit y figurer l’identité du rédacteur et celle de la victime, les conditions dans lesquelles le médecin a été amené à réaliser l’examen, la date et l’heure de l’examen, les constatations faites au cours de l’examen, les examens complémentaires, les gestes préventifs réalisés. Éventuellement, la durée d’une incapacité totale de travail.

(FI) : Quel est le rôle du médecin lors d’une procédure judiciaire liée à une agression sexuelle ?

(BV) : Le médecin est chargé d’examiner la victime, de documenter les blessures et les preuves médicales, et de fournir un témoignage expert sur l’état de santé de la victime et les circonstances de l’agression. Tout ceci sera matérialisé dans son rapport médical.

(FI) : Quels conseils donneriez-vous à une personne ayant subi un viol pour optimiser sa prise en charge médicale et légale ?

(BV) : Le conseil que je peux donner est que toute personne ayant subi un viol devra saisir rapidement les autorités compétentes dans les 72 heures pour optimiser sa prise en charge médicale et légale, car le viol constitue une urgence médico-légale.

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