Musique : « Les artistes devraient s’engager à mieux comprendre les plateformes de distribution » (Youssef Ouédraogo, Coordonnateur général des FAMA)

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Le journaliste culturel Youssef Ouédraogo, Coordonnateur général des Faso Music Awards (FAMA)

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Boomplay, Spotify, Apple Music, Deezer, TuneCore, les plateformes de distribution de musique sont des outils qui permettent aux artistes de diffuser leur musique auprès d’un large public et développer leur carrière. Quel est l’impact de ces nouvelles technologies sur la production, la distribution et la consommation de musique au Burkina Faso ? Comment les artistes burkinabè peuvent-ils tirer profit des technologies ? Eléments de réponses avec le journaliste culturel Youssef Ouédraogo, Coordonnateur général des Faso Music Awards (FAMA).

Filinfos : Pouvez-vous vous présentez ?

Youssef Ouédraogo : Je suis journaliste de profession, mais je me suis beaucoup intéressé à la culture depuis quelques années maintenant et à ce titre, je suis le Coordonnateur général des Faso Music Awards (FAMA) en abrégé FAMA. Et je m’essaie aussi dans l’écriture parce que j’ai, à mon actif deux ouvrages. Le premier, c’est « Musique burkinabè moderne des années 90 à nos jours: Analyse critique et perspectives de promotion» sortie aux Editions universitaires européennes en 2011. Et puis le deuxième ouvrage, c’est «Crises sociopolitiques en Afrique : rôle des médias dans l’insurrection populaire de 2014 au Burkina Faso » sortie aux Editions Mercury en 2022.

Filinfos : Qu’est-ce qu’une plateforme de distribution de musique ?

Youssef Ouédraogo : Ce sont ce que l’on pourrait appeler des avantages liés à la technologie qui aujourd’hui sont des espaces ou encore des plateformes qui sont intégrées au niveau d’Internet et qui permettent aux artistes aujourd’hui, aux créateurs de façon générale, de pouvoir mettre leur son (musique) à disposition du public. Et il y a des fonctionnalités qui permettent au public, c’est-à-dire aux consommateurs, de pouvoir avoir accès à ces créations. Et en contrepartie, évidemment, ils payent. En un mot, ce sont des plateformes qui sont intégrées au niveau d’Internet et qui permettent aux artistes de mettre à disposition du public leurs créations. Et ces mêmes fonctionnalités permettent au public de pouvoir acheter les productions artistiques de nos artistes.

Filinfos : Quelles sont les plateformes de distribution de musique que les artistes burkinabè peuvent utiliser ?

Youssef Ouédraogo : Lorsque j’évoquais les plateformes, je pensais notamment à YouTube, qui n’est pas monétisé au Burkina Faso. Par conséquent, de nombreux artistes sont contraints de créer des comptes ailleurs et d’héberger leur contenu dans des pays où ces plateformes sont rémunératrices. En dehors de cela, il existe des plateformes locales créées au profit des artistes pour qu’ils puissent y diffuser leur musique et la rendre accessible au téléchargement. Là encore, il y a une différence. Prenons l’exemple des plateformes internationales rémunératrices présentes dans certains pays où nos artistes créent des comptes. Beaucoup d’artistes s’y sont intéressés et y ont investi. Qu’il s’agisse des plateformes locales, peut-être créées par des promoteurs, qui hébergent la musique pour permettre aux artistes de diffuser leurs chansons et au public de les acheter, de nombreux artistes sont également présents.

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Filinfos : Quelles sont les principales opportunités que les plateformes de distribution musicale offrent aux artistes burkinabè ?

Youssef Ouédraogo : C’est une question d’habitudes de consommation. On constate que les Burkinabè préfèrent encore la consommation traditionnelle de la musique, c’est-à-dire aller aux concerts, acheter un CD ou une clé USB, plutôt que de passer par internet. Cela est dû à des facteurs tels que la lenteur du débit internet, l’absence de connexion dans certaines zones et la difficulté d’accès à la musique elle-même. C’est pourquoi j’ai évoqué la question de la maîtrise. Tous ces éléments font que beaucoup d’artistes ont vu, au départ, ces plateformes comme des moyens de se faire un peu d’argent. Mais ils se rendent ensuite compte que cela demande beaucoup d’efforts.

Filinfos : Faut-il se former pour pouvoir utiliser ces plateformes ?

Youssef Ouédraogo : Oui bien sûr, il faut une initiation, il faut une formation des acteurs, notamment des artistes musiciens, par rapport à ces plateformes, pour qu’ils puissent mieux les appréhender, et puis tirer tous les avantages possibles de ces plateformes. Malheureusement, ce type de formation, il n’y en a pas assez. C’est pourquoi il faut saluer les REMA, les Rencontres Musicales Africaines avec Alif Naaba, qui chaque année organisent des sessions de formation sur des thématiques nouvelles comme la musique et les nouvelles opportunités économiques, pour permettre aux artistes de pouvoir donc apprivoiser ces outils.

C’est aux acteurs de la chaîne de la musique de maîtriser, comme je l’ai dit, ces plateformes et tous les contours avant de s’y engager. Parce que de ce que nous apprenons, il y a eu beaucoup de mauvaises expériences pour certains artistes qui ont cru qu’avec ces nouvelles plateformes, ils allaient renouveler ou encore avoir d’autres sources de revenus. Et après, quand ils font le bilan, il n’y a absolument rien. C’est pourquoi je dis en amont, il y a la nécessité de maîtriser ces outils, de comprendre comment ils fonctionnent avant de s’y engager.

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Filinfos : Comment choisir la plateforme la plus adaptée à son style musical et à ses objectifs ?

Youssef Ouédraogo : Chaque plateforme a ses objectifs, chaque plateforme a un public de consommateurs qui a un profil différent. Et c’est sur la base de ces éléments qu’on choisit en fait les plateformes. Je ne peux pas tout de suite conseiller les artistes, en fonction de leur musique, d’aller vers cette plateforme et autres. Mais ce qu’il faut noter, c’est que nous avons aussi des plateformes que des locaux ont mis en place au Burkina Faso. Vous avez ma musique, il y en quand même beaucoup de plateformes que des promoteurs burkinabè ont mises en place. Il faudrait les encourager parce qu’on a tendance à toujours se porter vers l’international, alors qu’il y a des plateformes que des Burkinabè ont créées et qui sont des modèles et qui marchent. Vous voyez, surtout que nous avons une forte diaspora et cela constitue des opportunités pour les artistes.

Filinfos : quel est le rôle d’une Fanbase pour un artiste ?

Youssef Ouédraogo : Chaque artiste doit avoir une communauté. Et pour avoir une communauté, il y a un certain nombre de comportements que l’artiste adopte autour de lui pour devenir en une référence, un modèle pour un certain nombre de personnes. Lorsqu’un artiste a une communauté encore appelé fan base. Il peut informer sa communauté qu’il y a des plateformes où sa musique est disponible, où sa musique est accessible. Et cette communauté peut aller sur cette plateforme, puisqu’il y a des liens sur ces espaces pour télécharger.

La contrepartie ici est qu’il y a de l’argent et les pourcentages vont revenir à l’artiste. Mais si vous êtes un artiste, vous ne créez pas une communauté sur les réseaux sociaux, vous n’avez pas de communauté ou fan base, quand vous êtes hébergés sur ces différentes plateformes, vous obtiendrez moins de clique et de téléchargements de vos contenus. Il y a des artistes qui n’ont pas travaillé pour créer une fanbase. Alors que chaque artiste doit travailler pour avoir une fanbase sur les réseaux sociaux qui constituent des relais en termes de diffusion de messages. C’est pourquoi nous conseillons toujours aux artistes de travailler à créer une communauté autour d’eux sur les réseaux sociaux.

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Filinfos : Quels conseils donneriez-vous aux artistes qui souhaitent utiliser ces plateformes pour développer leur carrière ?

Youssef Ouédraogo : Mon premier conseil d’abord, c’est de se rendre compte que ces plateformes existent. Parce qu’il y a beaucoup qui ne savent même pas que ça existe. Deuxième, c’est de maîtriser ces outils. C’est-à-dire tous les contours liés à ces plateformes. Contours juridiques, contours économiques. Troisième conseil pour moi, c’est de s’investir. C’est-à-dire que s’investir, c’est de les explorer, de les maîtriser et puis de s’engager. Parce que le monde aussi bouge. Et aux artistes de ne pas traîner encore les pas, car certains estiment que le Burkina Faso n’est pas un pays où la consommation digitale est forte. Mais plutôt de s’engager à mieux comprendre ces plateformes, à les utiliser à bon escient pour pouvoir toucher d’autres publics.

Parce que l’une des faiblesses aussi de la musique burkinabè, elle est toujours restée pendant longtemps circonscrite. Au niveau du Burkina Faso, elle a du mal à toucher à d’autres oreilles sur le plan international. Alors que ces plateformes peuvent permettre à cette musique de pouvoir s’exporter et de toucher d’autres parties du monde.

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